Législatives libanaises : échec de S. Hariri, victoire du Hezbollah
Le dimanche 6 mai se tenaient les élections législatives libanaises. Dans un contexte de guerre régionale, ces élections sont d’une importance capitale, elles interviennent après cinq ans de report en raison de l’absence de consensus sur la nouvelle loi électorale dans un contexte d’instabilité politique et économique depuis l’éclatement de la guerre en Syrie. Néanmoins, le faible taux de participation (49%, en recul de 5 points par rapport aux dernières élections législatives) témoigne du rejet des Libanais pour la classe politique actuelle et d’un sentiment de désespoir vis-à-vis de la situation que vit le pays.
Un nouveau mode de scrutin complexe
En raison du système multiconfessionnel au Liban et de l’existence légale du confessionnalisme politique, chaque communauté religieuse a un nombre de sièges réservés au sein de la chambre des députés qui est composée de 128 membres. Ainsi, il y a 64 sièges consacrés aux chrétiens et 64 aux musulmans, avec des répartitions internes à chaque religion en fonction des courants, les chiites bénéficiant comme les sunnites de 27 sièges. Pour ces élections, plusieurs nouveautés sont introduites par la nouvelle loi électorale : les électeurs doivent désormais obligatoirement voter pour des listes constituées d’au moins 3 noms, un système de répartition à la proportionnelle est aussi mis en place, et pour la première fois, la diaspora a le droit de participer au vote. Rappelons que la diaspora libanaise est estimée aujourd’hui à 12 millions, soit le double de la population vivant au Liban ! Malgré cela, seuls 82 000 se sont inscrits pour ces élections. Il est aussi important de noter que la nouvelle loi électorale faite pour casser l’hégémonie des grands partis a permis l’entrée au parlement d’une candidate issue de la société civile.
Le Hezbollah renforcé, Hariri en recul
Le Hezbollah sort grand vainqueur de ces élections dans la mesure où il a pu mobiliser l’ensemble des voix chiites et gagné les 27 sièges. Son alliance avec entre autres le Courant Patriotique Libre (CPL) du président Michel Aoun (droite chrétienne) lui permet de former une majorité au parlement. Le Courant du futur, avec à sa tête le Premier ministre sortant Saad Hariri, a vu son nombre de sièges reculer d’un tiers par rapport à l’ancienne assemblée, il a perdu notamment des voix à Beyrouth, son fief historique. Néanmoins, étant donné que la constitution prévoit que le Premier ministre soit musulman sunnite, il est fort probable que S. Hariri soit reconduit à la tête du gouvernement, puisqu’il représente toujours la première force sunnite du pays. Le CPL, parti du président actuel, reste quant à lui le parti avec le plus grand nombre de sièges ce qui lui octroie un pouvoir d’arbitrage conséquent.
Un contexte de crise interne et de guerre régionale
Ces élections se déroulent alors que le Liban souffre d’une crise économique, sociale et politique majeure. Le pays enregistre notamment une hausse du déficit public à 9%, ainsi qu’une dette publique qui atteint les 147% fin 2017. Les exportations de leur coté stagnent alors que les importations augmentent. En plus de cela, plus de 1.5 millions de réfugiés ont afflué au Liban depuis le début de la guerre en Syrie, soit près du quart de la population totale du pays. Rajoutez à cela la crise politique inouïe vécue en novembre 2017 lorsque S. Hariri, annonça sa démission depuis l’Arabie Saoudite. Enfin, le Liban se retrouve au milieu du conflit régional qui oppose l’Arabie Saoudite et l’Iran. Ce dernier voit sa position renforcée grâce à la victoire de l’alliance dite du « 8 mars » [1], dont les principales composantes sont le CPL et le Hezbollah, soutenu directement par l’Iran. L’Arabie Saoudite en revanche voit son influence – à travers S. Hariri- fortement diminuer, et son projet de casser l’arc chiite formé par l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban s’éloigner de plus en plus.
[1] : L’alliance du 8 mars est une coalition politique formée en 2005 regroupant plusieurs partis : Le CPL (maronite), le mouvement Amal (chiite), le Hezbollah (chiite) et d’autres partis maronites, laïcs, et Druzes. Elle s’oppose à l’alliance de 14 mars qui regroupe les personnalités et mouvements politiques ayant pris part à la révolution du Cèdre après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafiq Hariri.